Le Centre d'information du réseau (NIC)

Un enjeu important pour le réseau de la recherche et de l'enseignement supérieur

Par Pascal Renaud

Dans sa période pionnière, l'Internet s'est forgé des structures de coordination. Elles sont peu nombreuses et n'ont théoriquement qu'un rôle d'information technique, la bonne conduite des partenaires du réseau - Netiquette - garantissant l'application de règles communes fixées par les RFCs . Parmi ces structures de coordination, les Centres d'information du réseau (NIC pour Network Information Center) enregistrent les noms des serveurs Internet et leur attribuent un numéros qui permet d'aiguiller l'information. Un logiciel, le serveur de noms assure la correspondance entre noms et numéros.

Avec le développement international d'Internet, chaque pays s'est doté d'une structure de coordination appelée NIC-délégué pour administrer son "domaine national". Dans le cadre du programme RIO de l'Orstom, des structures de coordination semblables ont été constitués en Afrique francophone. Comme ce fut le cas en Europe ou aux Etats unis, le "NIC-délégué" africain est généralement un spécialiste appartenant à une structure universitaire. C'est ainsi que la coordination du domaine ".SN" (Sénégal) est assuré par Alex Corenthin de l'ESP, celle de ".ML" (Mali) par Mamadou Diallo Iam du CNRST, celle de ".BF" (Burkina-Faso) par Johachim Tankoano de l'ESI et de la DelGi... Au Nord comme au Sud, les NIC délégués ont assuré pendant plusieurs années ce travail de coordination à la satisfaction de tous les utilisateurs.

Mais, l'arrivé d'opérateurs commerciaux et l'Intérêt politique succité par les nouvelles technologies vont modifier cet environnement. Le nom de domaine, apparait comme un enjeu de pouvoir et une occasion de faire des profits. Aux Etats Unis, des hommes d'affaires astucieux et bien loin de la "NETiquette", ont demandé l'enregistrement de dizaines de noms de domaines dans l'espoir de les revendre plus tard . En Afrique, depuis plusieurs mois de vives pressions s'exercent sur les "NIC-délégués" pour qu'ils abandonnent leurs prérogatives au profit de l'opérateur national de télécommunication. Celui-ci généralement attentif a conserver une position de dominante, considère que cette fonction fait partie de ses légitimes attributions.

Le "NIC France" est assuré par l'INRIA . Dans tous les pays du Nord, ce sont, soit des établissements scientifiques indépendants, soit des associations, fondations ou consortiums mis en place par des universitaires qui sont NIC. Ce n'est jamais un opérateur de télécommunication. L'Internet exige un consensus entre les participants au réseau. Si un opérateur s'attribue le NIC, il tentera inévitablement d'en tirer profit aux dépends de ses concurents. S'il vient à être privatisé comment l'empêcher de se servir de cette position de force comme arme commerciale contre la concurrence ou contre les initiatives qu'il interprétera comme telles. Les projets universitaires sont de celle-ci.

La solution idéale est la création d'un consorsium indépendant représentatif des acteurs du réseau et préservant les intérêts de chacun. Mais celui-ci ne peut agir efficacement que s'il jouit d'une autorité morale lui permettant de résister aux pressions commerciales ou politiques. Les conditions ne sont pas partout réunies en Afrique francophone. L'Internet est trop mal connu par les pouvoirs publics comme par les entreprises et les utilisateurs. En attendant, les structures placées sous l'égide d'instituts de recherche ou d'universités disposent d'une expérience de plusieurs années. Elles sont à même de préparer dans de bonnes conditions la création de structures collégiales ou associatives. Elles offrent les meilleurs garantis d'indépendance et de compétence.

Nous constations déjà que, contrairement à ce qui s'est passé au Nord, ce sont les secteurs commerciaux qui sont en Afrique les premiers servis par l'Internet. Si la régulation du réseau se trouvait monopolisé par les opérateurs dont l'activité est orienté vers la rentabilité et le profit à court terme, l'Université et la Recherche pourraient être totalement exclu du réseau. L'Internet, loint d'être approprié par le pays, serait alors un nouveau vecteur de déséquilibre, le Nord vendant le savoir produit par ses établissements aux élites solvables du Sud.

Publié dans la revue Revue "Université" de l'AUPELF, vol 18, NO 1, mars 1997, Tous droits réservés.